petite lollie n'a que dix-sept ans.
mais déjà elle veut se comporter comme une grande.
pour exister elle ferait n'importe quoi.
même trainer là où il faut pas.

mona est juste à côté de moi. à seulement quelques centimètres de mes mains, de mon coeur, de mes yeux.
j'peux la voir, la sentir, la toucher autant que je veux.
c'est ça l'bonheur ? j'sais pas. franchement, si c'était ça ce serait trop simple, un jeu d'enfant que j'vais trop facilement gagner.
c'est pour ça que j'm'ennuie la plus part du temps, parce que j'ai terminé l'jeu. j'ai battu l'boss de fin, j'peux mourir en paix.
mourir à dix-sept ans, même pas l'bac dans l'backpack.
rien, pas d'oseille, pas d'avenir, juste les ténèbres.
ça m'dérangerait pas, j't'ai déjà, mona.
j'soupire.
et coeur qui soupire n'a pas ce qu'il désire.
l'ennuie s'empare de moi.  
y'a rien à faire ce soir.

sur le canapé, il y a moi. et elle.
elle, toujours là, à côté de moi. avec ses longs cheveux blonds, et sa moue de gamine.
lolita, c'est ma princesse à moi. celle qu'on a toujours rêvé d'être dans les walt disneys, la blonde aux cheveux longs, au nez fin et aux joues rondes.
celle qui porte des robes bleues, ou roses.
parce qu'elle est légère, solaire, et pleine de vie.
sa couronne sur la tête, c'est moi qui l'ai posée, j'l'ai adoubée qu33n de la cité.
(et aussi, miss univers, princesse de la galaxie, conquérante de mon cœur).
lola, c'est ma best friend 4 ever.
y'a un truc entre elle et moi.
depuis le temps, les gens nous appellent « mona et lola », comme si on formait une seule et même personne, un unique corps à deux têtes et une seule bouche, monté sur une structure à quatre bras et quatre jambes.
lollie, c'est celle qui est assise sur le canapé, à côté de moi.
a la télévision, y'a rien, je zappe, appuyant sur tous les boutons de la télécommande, d'ennui et de lassitude. je zappe le plus vite possible, défilant les chaînes les unes après les autres. des enquêtes sur des crimes paranormaux, aux épisodes des simpsons, en passant par les films américains doublés avec des voix de merde. y'a rien. pas même un épisode de la famille kardashian, rien a s'mettre sous la dent.
- fais chier, il est encore trop tôt pour les films porno.

mes yeux observent toutes les images qui défilent sur la télé.
toutes les couleurs, tous ces visages, tous ces endroits que j'verrais jamais. qu'on verra jamais.
tout ce qui nous prouve combien on est que de petits êtres sur cette planète.
des enfants insignifiants coincés dans cette cité. destinés à rien.
j'aime pas la télé, sauf pour regarder des trucs qui font réduir, visiblement, la masse de mon cerveau.
j'aime regarder pour oublier. j'fais plus ou moins tout dans l'but de ne plus penser.
fumer, boire, baiser, regarder, jouer, toucher, et tous les autres verbes de la langue française.
écouter, lire, photographier, danser, dormir, y'en a tellement que j'en ai oublié pas mal.
je joue sur mon téléphone, en même temps. j'traine, j'regarde les dernières photos.
j'répond à quelques personnes, je souris de temps en temps. rarement.
en faites on dirait presque que j'fais la gueule, là assise sur ce canapée.
on pourrait croire que j'suis pas heureuse d'être là. qu'jsuis pas reconnaissante.
pourtant c'est pas l'cas, j'suis ravie d'être là. et si j'tourne la tête mon coeur se remettra à battre.

et sa voix me fait revenir, comme un appel à l'aide.
j'lève la tête, éteint l'engin. l'impression de réouvrir les yeux.
j'la regarde, mona. quand j'la regarde j'ai envie de rire, de l'enlacer et d'la couvrir de baisers.
j'lui offrirais le monde un jour, d'une manière ou d'une autre, on l'aura notre tour du globe.
que ce soit par nos voyages que pas nos coucheries, on en verra du monde.
ouais, et on peut pas rester là...
j'en ai pas envie, bien qu'j'sois bien.
j'veux bouger. j'me motive mentalement.
faut qu'on bouge en vrai, on va prendre racine ici.
et on est déjà encré dans c'monde, dans ces murs.
on est là d'puis déjà trop longtemps.

la télé allumée, c'est tout le temps comme ça, chez nous.
fond sonore H24, à te crever l'intérieur des tympas, à te griller les oreilles.
maman adore les soaps américains, et papa, les matchs de football.
nous, avec les filles, on préfère les anges, secret story, bachelor et greg le millionnaire.
ça vide tout ce qu'on a dans la tête, et bien plus encore. ça évacue toute le liquide qui régénère notre cerveau. quelque chose qu'on nomme Intelligence.
après chaque émission, je suis remplie de conneries. ça m'fait du bien au capitole
mais quand la télévision est vide (comme lorsque lollie éteint le bouton), j'me sens toute vide de cette matière grise qui me grille le cerveau. j'me sens toute rien. toute réelle.
le réveil est brutal. j'mets un temps avant de me remettre de mes émotions, de retrouver la vision normale. je regarde lollie, et ma lollie, elle est un peu pâle.
depuis combien de temps sommes nous scotcher à l'écran ? nos nuits d'ennui, nous les passons sous ondes électromagnétiques. hertz memory.
t'as raison
j'prend mon portable. pas de nouveau message. rien.
avec lola, on est des oubliées de la terre. de la terre entière.
tu veux faire quoi ? y'a pas de soirée, ce soir. nada.  

et la télé s'éteint. elle se meurt doucement dans un dernier souffle.
un dernier vomi de couleur. un dernier bruit de rien. un dernier tout, pour n'être plus rien.
écran noir, comme le désespoir du soir qui inonde tout l'monde.
mais pas pour tous, pas tout l'temps.
parce que quand y'a mona, c'est vie pleines de bruits, de couleurs, de joies et adieu les peines.
genre on a besoin d'une soirée ??
besoin d'une soirée pour faire ce qu'on peut faire de nous même.
on a pas besoin de mille inconnus autour pour boire, fumer, rencontrer.
on peut l'faire toute les deux dans notre bulle.
l'internet est notre soirée. l'internet notre meilleur ami, celui qui nous oublie jamais.
on descend à l'épicerie d'nuit, on s'prend une 'teille et on s'met devant l'internet.
j'saute déjà sur mes jambes, prête à partir.
prête à courir hors d'ici vers notre soirée improvisée.