Régis c'est l'aîné de sa fratrie. Il n'est pas le con le gars, loin de là. Mais disons qu'il a toujours eu plus ou moins de mal avec le système de l'éducation nationale. Comprenez qu'il passait son temps à se faire punir, puis renvoyer pour diverses raisons. D'abord ce fut le langage, puis le comportement, et enfin un mélange des deux. A l'adolescence, les coups de ceinture du patriarche avaient le même effet qu'une caresse sur la joue. C'était devenue la routine. Régis, il ne comprenait pas pourquoi l'école était si important que sa mère le disait. Il passait son temps à dire que de toute manière, il était foutu depuis la naissance, couleur de peau, culture, origine sociale obligent. Puis il a commencé à dealer, il est rentré dans le cercle infernal de l'argent facile. (Le reste est libre, on va discuter et tout. Faut juste savoir qu'il a pris trois ans de prison, mais qu'il est sorti au bout de deux.)

Si elle devait écrire une biographie, Régis aurait son propre chapitre. Régis c'est tout ce qu'elle méprise et adore en même temps. C'est exactement le genre de mecs qu'elle faisait fuir quand ils s'approchaient trop près de ses copines. Parce que ouais, elle voulait pas ramasser les pots cassés, fixer les cœurs émiettés à cause de connards-en-chien-aux-couilles-pleines. Et elle les traitait d'idiotes ses potes, elle comprenait pas comment tu pouvais te laisser marcher dessus, comment le sexe opposé pouvait avoir une telle emprise sur elles. Et puis un jour il a débarqué, comme ça, sans prévenir, et elle a compris. Elle a compris qu'elle était dans la merde, franchement foutue. Régis c'est le mec qui fait ressortir le meilleur comme le pire chez elle. Régis, c'est les montagnes russes émotionnelles. C'est usant, consumant, épuisant, et pourtant. Elle sait bien que le gars n'est pas très commode, il n'a rien du gendre idéal. Rien que d'imaginer les sourcils froncés et le regard dédaignant de son feu père, ça suffit à la calmer, quand elle s'imagine qu'ils pourraient, dans un monde alternatif, vivre une histoire « normale ». Le pire dans tout ça, c'est sûrement qu'il ne lui a jamais rien promis. On pourrait dire qu'elle a cru à son baratin, mais non, rien de tout ça. Il l'a prévenue, même. « J'suis pas un mec pour toi, Winona. » Mais il trouve toujours le moyen de la faire succomber. Connard. Mais voilà, c'est Régis. Il lui a tout pris ; cœur, virginité, fierté.

Quand Régis est tombé, elle a été dévastée. Parce qu'elle se retrouverait seule pour élever leur gosse. Parce que le père de ce même gosse serait en taule. Et ça la faisait sacrément flipper. Ensuite, elle a vu ça comme une opportunité, celle de faire un trait définitif sur lui. Ses potes sont venus la voir, lui disant que "Régis a dit qu'il voulait te voir" ""Qu'il veut voir son gosse", "qu'elle lui manque". Mais elle n'est jamais allée le voir. Et là, le voilà sorti depuis quelques jours, près à régler ses comptes avec elle.