REINA et mon innocence en fumée.

pour une fois t'es seule. seule avec childish gambino qui cause dans le fond sans trop d'attention. toi tu répètes ses paroles les yeux fermés, par habitude. seule dans ta chambre, seule dans l'appart, t'as ouvert ta fenêtre pour t'aérer le cerveau. t'es tendue, t'arrives pas à te calmer, tu réfléchis sans t'arrêter. mais t'attends reine surtout, t'attends qu'elle.

aujourd'hui tu vas ouvrir les vannes, tout lui dire, lui dire que voilà, voilà tu te vends, tu te vends pour acheter, acheter les pilules de maman, maman qui ne se doute de rien, que rien ne va. tu vas tout lui dire, lui dire que voilà, voilà tu as honte, honte de toi, toi qui engueules les petites femmes de douze ans qui passent en roulant du cul, du culot que t'as eu à leur dire de faire attention à elles, alors que c'est la même nnena qui a menti.

on toque à la porte. reine est là. tu ressembles à un puceau qui accueille pour la première fois une gow chez lui. t'as la main qui tremble sur la poignée et tu commences à avoir horriblement chaud. t'arrives même plus à respirer correctement. inspiration expiration et t'es partie. tu lui ouvres timidement, te mordant la lèvre inférieure comme si tu regrettais de l'avoir appelée. mais tu souris quand même parce que sinon c'est trop cramé.

da queeeeeen.

et t'as l'esprit qui s'vide, comme si aujourd'hui était un jour comme les autres, comme si vous alliez vous faire les ongles en postant des réactions sur insta. mais putain non nnena. l'heure est grave. tu te prendras sûrement une gifle, elle t'insulteras sérieusement de pute cette fois. tu dois lui dire maintenant nnena ou tu lui diras jamais et elle l'apprendra de la bouche d'un con. tu vaux mieux qu'ça nnena, toi qui ne garde jamais rien caché aux yeux des autres, te défile pas.

t'es v'nue seule?

C'est drôle de savoir qu'il y a encore quelques mois, elle rechignait à l'idée de ne faire que de simples tâches ménagères. Avec Reine, ça partait souvent en conflit pour pas grand chose ; souvent plus par esprit de contradiction que réelle flemme. Aujourd'hui la voilà à astiquer l'appartement de fond en comble, comme si sa vie en dépendait. C'est étonnant l'impact qu'une grossesse inattendue et qu'une grande dose de responsabilités à assumer d'un coup peuvent avoir sur quelqu'un. Alors elle aspire, essuie, passe et repasse sur des surfaces qui brillent déjà plus que le crâne luisant de Junior Kyle. Puis elle pose le balais, elle s'est assez acharnée, acharnement qui n'a de toute façon pas eu l'effet escompté. Les mains lavées, elle rattache ses cheveux à moitiés lisses et se laisse tomber sur le canapé. Rien n'y fait, elle n'arrive pas à se le sortir de l'esprit. Que c'est vrai. Que Régis est bel et bien libre. Libre des barreaux, libre de revenir foutre un bordel dans une vie qu'elle s'est évertuée de garder ranger. Libre d'être Régis. Elle soupire, partagée entre appréhension et hâte, le bien et le mal.
Un coup de fil de sa petite la sort de ses pensées, et les rend toute de suite moins sombres. Avec son leggings noir, débardeur noir – porté sans soutif- , et chaussons aux pieds, elle prend son téléphone en main et claque la porte avant de grimper les 2 étages qui la séparent de nnena. Ding dong. « Elle-même en personne. Trop fraîche en plus. » Ironie un jour, ironie toujours. « Ouais j'ai laissé ton fils avec chez la mamie là, histoire que je puisse ranger tranquillement. » Elle avance dans le crib, qu'elle connaît si bien, et s'installe dans la position exacte dans laquelle elle se trouvait deux étages plus bas. « Putain j'suis crevée. Bon tu racontes quoi toi ? »