what went down
Léon battait un rythme frénétique sur le coin de sa table avec son stylo bleu. Pour les cinq dernières minutes de cours, il s'était autorisé à ne plus prendre de notes et prenait le temps de penser. Il pensait aux minutes suivantes. Comme il l'avait fait à peu près toute la journée. Cinq minutes avant chaque sonnerie aujourd'hui, il avait entrepris de grande réflexion sur comment faire. La veille, dans son lit, il avait pris la décision ferme de mettre les choses à plat avec une certaine personne qu'il avait certainement blessée. Mais il s'était endormi avant de savoir comment il allait l'approcher. Il ne savait même pas encore ce qu'il allait pouvoir lui dire. Elle était passée à côté de lui plusieurs fois dans la journée, mais jamais il n'avait saisi l'occasion en plein vol en la retenant par le poignet. Ou en l'interpelant. Ou en lui souriant. Ou en lui envoyant un petit message froissé sur sa table. A cet instant, elle était à quelques rangs devant lui. Il voyait ses cheveux longs le long de son dos, sa silhouette menue.
Les cinq minutes passèrent plus vite qu'il ne s'y attendait, et déjà tout le monde sortait de la classe, le sac balancé sur l'épaule. Il eut peur de la perdre de vue, il mit tout en vrac dans son sac, froissant les feuilles, et sortit rapidement de la classe avec quelques secondes de retard par rapport à elle. Ce fut pourtant suffisant pour qu'il ne la voit plus dans la foule dans les couloirs. Il était inquiet. Il fonça dehors sans attendre et il la vit au coin de la rue. Il courut à moitié derrière elle, puis ralentit son pas brusquement. C'était bizarre. Ils ne se parlaient plus et ils ne faisaient jamais le chemin ensemble. Elle se rendrait compte, elle prendrait peur, et il ne pourrait pas lui parler. Il se mit alors à la suivre quelques mètres derrière elle, en essayant de faire comme si de rien n'était. Mais son pas se calait au sien, et il n'avait rien de discret. Il se mordillait la lèvre. Il avait honte de lui-même. Même pas capable de faire face à elle.
Une boule monta dans sa gorge alors que les tours se profilaient à l'horizon. Une boule d'embarras et de culpabilité, de stress aussi. Sa main battait un rythme frénétique sur sa cuisse. Il évita de siffloter. Il entendit bien un de ses potes l'appeler de loin mais il ne tourna même pas la tête. Il restait le regard braquer sur cette silhouette fragile. Il dépassa même sa propre tour pour la suivre encore un peu, pour se donner d'autres occasions de l'intercepter. Elles s'amenuisaient de manière inquiétante. En fait, elle avait déjà la main sur la poignée de la porte quand il trouva enfin le courage. L'énergie du désespoir, quelque chose comme ça. - Attends, Mina ! Sa voix résonna un peu à ses oreilles et il eut peur de l'effrayer pour de bon. Qu'elle ouvre brusquement la porte et qu'elle s'enfonce à l'intérieur. Il croisa les doigts derrière son dos pour que ce ne soit pas le cas. Il avait vraiment besoin de s'expliquer. De lui dire n'importe quoi. De faire quelque chose. Il allongea même son bras vers elle avant d'abandonner. Ce n'était pas une très bonne idée le contact physique quand les gens sont blessés. Il opta pour rester à une distance convenable. - Juste, est-ce qu'on pourrait parler ? Sa voix un peu tremblante avait des accents de supplique infantile. Il ne savait même pas quoi lui dire.