Silence. Ça résonne, résonne, résonne dans l’appartement à peine assez grand. Ça manque de lumière, bebe manque d’air. Elle tourne en rond, assise dans le salon, et elle lève sa paume pour regarder les rayons de soleil qui passent à travers le store défoncé, aussi défoncé que son petit cœur atrophié. Maman dort encore, ça fait dix ans qu’elle dort, ça fait une vie qu’elle ne veut pas se lever. Mais Rebenok elle, elle se lève et elle part remplir une bouteille d’eau, elle sort quelques cookies d’une boîte à peine entamée, et puis elle descend jusque saturne, elle court à bout de souffle jusqu’au fleuriste pour avoir une rose à ajouter. Elle a la tête qui va exploser. Elle choisit la plus belle des roses qu’elle peut trouver, la plus belle pour la plus belle, celle qui ne fanera jamais. Et puis elle toque à la porte de maman (même si ça sert à rien) et elle l’appelle, elle ouvre les rideaux, laisse la lumière rentrer.
« отъебись! »
« Мама, я… »
« отъебись! » *
Elle balance le vase à terre et écrase la belle fleur même si ça lui griffe ses pieds nus, ne se demande pas si ce sont les épines ou le verre qui lui colorent la peau, elle s'en fout de la douleur, elle ne la sent plus, elle piétine la fleur presque aussi fort que son cœur en compote, en confit, en confettis, et puis elle sort. elle sort avec les joues en feu, les yeux remplis de larme, le cœur au bord des lèvres, le cœur qui se barre, qui se fait la malle, lui fait du mal, elle touche terre. Elle fait une colère bebe, la colère d’un bébé sans maman pour l’aimer.

*
"dégage!"
"maman , je..."
"dégage ! "

mina aujourd'hui elle n'a rien avalé. mais elle s'est collé un post-it sur la fenêtre de sa chambre, juste à côté de son lit, pour le lui rappeler demain. aujourd'hui, elle a une autre priorité, qu'elle a noté en gros avec une jolie écriture. aller voir benok, en noir sur fond rose. l'équivalent d'aller chercher un peu d'amour dans la tour d'à côté. benok elle en a toujours à lui donner, elle en a même à revendre. mina à ses yeux elle a tout d'une maman. une vraie maman. pas comme celles qu'on ne voit jamais, qui ne nous prennent jamais dans les bras et qu'on ne peut avoir au téléphone qu'une fois tous les mois. ces mamans-là, elles valent rien.

elle passe derrière le canapé où papa se prélasse. obnubilé par le match à la télé, c'est tout juste si il la calcule. mina elle s'y est fait, elle laisse sa voix se heurter à un silence religieux et le poste qui crie. elle s'en fiche, c'est pas vrai mais c'est ce qu'il croit parce qu'elle dit jamais rien. mina se tait, parce qu'elle sait qu'il souffre autant qu'elle à cause du départ de maman, même si ils prennent jamais le temps d'en parler.

elle s'éclipse alors, direction l'appartement de benok. elle toque, une première fois. impatiente mais prête à attendre, sage comme une image. mais elle commence à s'inquiéter quand elle voit que personne ne vient lui ouvrir. plus hésitante, elle vient frapper une seconde fois à sa porte.

- benok, t'es là?

en attente d'une réponse, la petite se pose mille et unes questions. elle n'est pas là? pourtant, elle savait qu'elles devaient se voir. est-ce qu'elle aura fini par l'oublier, elle aussi?